Mémoire sur une autrice oubliée et exhumée

Depuis plusieurs années, écrivaines, artistes ou historiennes comme Titiou Lecoq, Michelle Perrot, Pénélope Bagieu ou Diglee tentent de rendre justice à la contribution des femmes dans la société en les mettant en lumière dans leurs travaux respectifs.

C’est dans cette même démarche que s’inscrit le mémoire de Nathalie MAROTO-LINAN (M2 Études sur le Genre, Genre, littérature, culture), qui nous invite à découvrir la figure d’une poétesse oubliée, Ana María Martínez Sagi (1907-2000). Dans ce travail, elle cherche à comprendre les raisons de cet oubli, mais aussi les circonstances de sa récente exhumation par Juan Manuel de Prada. Écrivain et critique littéraire plusieurs fois distingué et largement reconnu en Espagne, Juan Manuel de Prada s’est intéressé à la vie et l’œuvre de la poétesse à la fin des années 90, pour qui il a développé une véritable passion. Il l’a rencontré, a publié une anthologie de son œuvre poétique et littéraire et lui a consacré une biographie romancée, qu’il a réécrit et corrigé 19 ans plus tard à travers sa thèse doctorale. C’est avec un regard critique, au prisme des études sur le genre, que Nathalie se demande en quoi le point de vue de Prada oriente le processus de redécouverte de l’œuvre et de la figure de la poétesse. Pour cela, elle s’appuie sur les théories de la réception et une approche issue des études de genre. Elle réalise ainsi une sociologie de l’œuvre à partir d’une revue de presse principalement espagnole. À partir de ces éléments, Nathalie a pu dresser la biographie de l’autrice, une journaliste et sportive qui s’est engagée politiquement et a vécu l’exil.  Mais elle porte également un regard critique sur cette biographie, qui provient presque uniquement du travail de Prada.
Et pour cause, aux vues du statut privilégié de l’auteur, comment savoir si ce témoignage est vraiment fidèle ? A quel point le statut de femme écrivaine lesbienne et politisée a-t-il influencé le besoin de reconnaissance artistique de Sagi ? Pour tenter de répondre à ces questions, Nathalie étudie la réception contemporaine de l’œuvre d’Ana Maria et le contexte de sa redécouverte. Ce travail lui permet de mener une réflexion déontologique sur la méthode et le positionnement du chercheur et d’analyser les modalités de réappropriation de certaines figures artistiques et politiques. Comment étudier avec objectivité un sujet situé à l’opposé de ses valeurs ? Comment exhumer une œuvre sans l’empreindre de ses propres interprétations ?

Rendez-vous dès maintenant sur DUMAS pour en savoir plus ! Et pour les curieux et curieuses qui souhaitent explorer les coulisses de ce travail de recherche, écoutez Nathalie dans le podcast Poétesses. Bonne écoute !